"Parfum Pêche Passion"...

 

Il y a deux ans, curieux de connaître le quotidien d’un marin-pêcheur, j'eus la chance d'embarquer avec Gaël, patron royannais de "petite pêche".
Récit d'une journée enrichissante, retranscrit spécialement pour vous sur Ho' Blog...

Trois heures du mat’... Je me joins à l’équipage du "Gladiator", nom guerrier de ce "fileyeur-ligneur". Un peu moins de onze mètres et 9,85 tonneaux, il arbore une belle couleur dominante rouge. Gaël, 44 ans, le Boss, nous sort du port dans la nuit étoilée. Direction : les filets posés la veille à quelques encablures de Royan, entre Cordouan et Bonne-Anse. Il fait doux, la mer est plate. Geoffrey, alias "Jo", 20 ans et Jean-Christophe, alias "Moumoune", 46 ans piquent un somme dans la cabine exiguë, assis à même le sol, malgré le bruit du moteur omniprésent. Gaël, à la barre, fume une clope et m’explique le programme : on s’apprête à "virer" (remonter) les premiers filets, des sections de 2 x 1000 mètres. Il s’agit de filets "dormants", destinés à prendre des poissons de fond, lesquels viennent se coincer dans les mailles par leurs ouïes. Bientôt, l’équipage s’active. A la lumière du projecteur, j’aperçois la première bouée, surmontée des fanions caractéristiques : elle matérialise l’un des emplacements où on a « filé » (posé) la veille. A l’aide d’une gaffe, Moumoune récupère puis engage la corde dans le vire-filet. La remontée commence et les premiers poissons apparaissent, essentiellement des soles. Gaël et Moumoune sont à la "goulotte" : ils récupèrent les prises entortillées dans les mailles. Gaël doit en plus stabiliser le bateau, moteur au ralenti, l’orienter dans le courant, à l’aide des instruments à sa portée : double commande, écran de cap, GPS... Le rythme est soutenu car le vire-filet tourne sans cesse. Il faut simultanément faire avancer le filet, y récupérer les prises, en ôter les impuretés (algues, crabes...), le désentortiller et le mettre dans le bon sens. C’est primordial, afin qu’une fois arrivé au bout de la goulotte le filet, tiré à bout de bras par Jo, se présente bien sur le "yoyo", et se place correctement dans le "parc" (bac). A l’étape suivante, il peut ainsi être remis à l’eau, jusqu’au lendemain. C’est sans discontinuer : les trois marins enchaînent les actions et il y a peu de moments de répit. Un vrai travail d’équipe, en totale coordination, en parfaite osmose. A de rares moments, une courte pause est possible, quand on ne file pas immédiatement après avoir viré. Les gars ont alors quelques minutes pour fumer, boire un café ou avaler un en-cas. Le jour s’est levé. Les heures défilent. Quinze kilomètres de filet plus tard, les soles, raies, seiches, maigrettes et autres bars sont empilés en vrac dans les bacs. Le Gladiator fait retour, mais nos marins n’en ont pas fini : il faut étriper les soles, préparer et trier les prises, les laver, faire la mise en bac, filmer, glacer, nettoyer le pont. A l’arrivée au port, tout est fait et il n’y a plus qu’à peser et à déposer les trois cents kilos de poisson dans les frigos de la criée. Il est quatorze heures. Fin de journée de "petite pêche" : un travail peinard, non ?!




L'interview qui tue...

Ho : quel regard portes-tu sur la profession ?

Gaël : c’est le plus beau métier du monde, mais régi sans bon sens, par des gens qui ne connaissent pas sa réalité !

Ho : quel avenir pour la pêche ?

Gaël : beaucoup d’inquiétude ! Restrictions envisagées sur la pêche du bar, disproportion entre la grosse et la petite pêche, incohérences de Bruxelles concernant les quotas et l’attribution des aides, pillage des ressources par les gros chaluts étrangers, prix du carburant et charges en hausse, coût du matériel, de l’entretien, etc. On reproche à la pêche en général d’affaiblir la ressource, mais celle-ci est déjà diminuée par les erreurs de la société : pollutions agricole et industrielle qui déversent nitrates et polluants dans la mer ! Ici on est de l’estuaire, beaucoup en vivent : si le terminal méthanier venait à s’implanter, c’est la mort annoncée de la pêche royannaise !

Ho : Ton meilleur souvenir ?

Gaël : Pas un souvenir, une satisfaction : ce métier, c’est ma passion. Celle-ci me permet de nourrir ma famille, depuis bientôt 20 ans, en étant libre, à l’air pur... toute l’année !

Ho : Ton plus mauvais souvenir ?

Gaël : Le jour où j’ai remonté le corps de mon ancien patron dans ses filets, juste après son naufrage... Une semaine avant, j’étais encore à son bord !

Ho : Ton coup de gueule ?

Gaël : Le monde de la plaisance est protégé, pas celui de la pêche. Tout est fait pour le tourisme. Tout le monde s’en fout que les estivants nous endommagent nos lignes en pêchant à la traîne ou qu’un gros chalutier espagnol nous ruine 500 mètres de filet. Pourtant on appartient au patrimoine local. A ce rythme, on est voué à disparaître... Et Royan sans son port de pêche, ce ne sera plus le même paysage, la même station balnéaire !

Ho : Heureux ou pas ?

Gaël : Y'a pire ! Oui, malgré tout ça, je suis heureux. 


Citation de Gaël  : L’Océan est ma vie, c’est mon jardin !


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